constance La plupart des gens passent leur vie à rétablir la paix. Mais c'est inutile, parce que l'humanité se détruit de jour en jour. Pour nous, il est superflu de continuer à vivre normalement. C'est d'ailleurs pourquoi notre quartier est si bien mouvementé. Dix neuf ans, c'est jeune. Mais il y a bien longtemps que j'ai commencé à pressentir que la vie était absurde. On vit comme des cons. On mange, on dort, on baise, on sort. Encore et encore. Et encore. Chaque jour est l'inconsciente répétition du précédent: on mange autre chose, on dort mieux, on baise quelqu'un d'autre, on sort ailleurs. Mais c'est pareil, sans but, sans intérêt. Pourquoi sortir tous les soirs, la première nuit, suivie de beaucoup d'autres, ne plus rien avoir à se dire, baiser pour combler les blancs, ne même plus avoir envie de baiser, se détacher, rester ensemble quand même, s'engueuler, se réconcilier tout en sachant que c'est mort au fond, aller baiser ailleurs, et puis plus rien. Tiens, vous savez ce que c'est quand vous croisez un charmant jeune homme, qu'il vous sourit et que votre cœur se met à fondre comme du beurre sur une tartine grillée? C'est ce que je ressens quand je vois un magasin, sauf que c'est mieux. Vous voyez, un homme ne vous aimera ni vous traitera aussi bien qu'un magasin. Si un homme ne vous convient pas, vous n'avez pas quinze jours pour l'échanger contre un magnifique pull en cachemire. Un magasin sent toujours bon et il peut éveiller en vous des désirs pour des choses dont vous ne pensiez jamais avoir besoin. Et quand vos doigts attrapent ces merveilles flambants neufs: Oh ouuuuuuui. Il y a certaines choses qui ne s'achètent pas. Pour tout le reste, il y a Papa. Cet enfoiré me pensant aussi parfaite qu'une pouffiasse biblique n'a rien trouvé de mieux que de dédommager ses gosses en leur offrant une quantité de choses inutiles aux yeux de parents normaux. Je suis une petite conne pourrie gâtée, et il s'en fout. Il n'est jamais là, pourquoi devrait-il en avoir quelque chose à faire, pourquoi devrait-il se rappeler du détail que sont sa fille et son fils ? N'y a-t-il donc que nous les riches, pour confirmer le fait que l'argent ne fait en aucun cas le bonheur? On a beau poiroter trois mille ans chaque matin à choisir quelle paire de chaussures on va mettre aujourd'hui, habiter avenue Montaigne ou dans les alentours, peu importe. Vivre d'amour, d'Evian, et de Marlboro Light, puis croire que ça suffit. Seulement voilà, ça n'a jamais suffit. On est la jeunesse dorée. Et rien que pour ça, chaque seconde, chaque minute, chaque journée qui passe me laisse dans la bouche un goût dégueulasse. Il y a des jours comme ça. La vie n'est pas belle. L'amour n'existe pas. Mais rien n'est grave. S'envoyer en l'air en tout bien tout honneur, aimer jusqu'à en avoir mal au coeur, haïr jusqu'à en avoir mal au ventre. Pourrir le sourire aux lèvres, faire semblant, voilà tout. Souffrir.

Contexte écrit par Constance
- basé sur Hell, LOLITA PILLE.